En 1971, Mohand-Saïd Aït-Taleb, un ouvrier algérien noyé dans la masse de la main d’oeuvre pas chère des Trente Glorieuses, retourne au bled pour épouser Ouardia qui deviendra la mère de l’auteur Xavier Le Clerc huit ans plus tard. C’est à ce père qu’il dédie cette chronique d’émancipation pour restituer son parcours, lui qui était taiseux et ne se plaignait jamais. De la naissance du père à l’ascension sociale du fi ls, c’est à un siècle de l’histoire française de l’immigration que nous assistons.
L’auteur place son récit dans les pas d’Albert Camus et de son reportage de 1939 Misère de la Kabylie, où est né le héros du roman quelques années plus tôt. Après le choc pétrolier, Mohand-Saïd aurait pu accepter la prime de retour octroyée par Giscard d’Estaing, de quoi se payer un aller simple et définitif. Une sorte de prime à la casse pour les immigrés relégués comme de vieilles machines, des «bougnoules» comme disaient les racistes de l’époque. Plongés dans la vie de cette famille installée dans le Calvados, le récit s’achève par une lettre au père après sa mort, hommage à cet homme «qui s’est déraciné pour que ses enfants s’enracinent». Le comédien Mounir Margoum, bouleversant et déjà remarquable au Cratère dans Féminines de Pauline Bureau, se charge avec grâce et intelligence sensible de nous raconter cet émouvant parcours.
Avec Mounir Margoum
Un homme sans titre est publié aux éditions Gallimard